Art et histoire
La jeune artiste vaudoise Leah Linh invite le public à un voyage dans le temps au travers d’œuvres lumineuses, inspirées par la destinée du comte Pierre II de Savoie.
| Texte: Priska Hess – Photos : Emmanuel Denis Muto VMCV |

Il est né en 1203, elle a vu le jour plus de huit siècles plus tard. Prince iconique, Pierre II de Savoie a laissé son empreinte dans l’architecture du Château de Chillon. Jeune peintre déjà reconnue, Leah Linh a créé douze œuvres pour le faire rayonner à nouveau en ces lieux. Présentée jusqu’au 14 avril 2024, l’exposition «Fortune et reflets au temps de Pierre II de Savoie» se veut un dialogue entre le passé et le présent, entre l’histoire médiévale et l’art contemporain. «Honorer cette commande de la Fondation du Château de Chillon a été un vrai défi car à la base, je ne suis pas une artiste figurative. C’était aussi un jeu d’équilibre: raconter l’histoire de Pierre II de Savoie en douze thèmes imposés, tout en restant fidèle à mon travail et à ce que je voulais exprimer», commente l’artiste de 22 ans.
Feuilles d’or
Voiles scintillantes d’un vaisseau fantôme dans les souterrains, chevalier en armure transpercée de plumes d’immortalité, toiles monumentales enluminées, comme les pages d’un livre géant… Leah Linh a décliné ses œuvres en peintures, sculptures ou encore travail sur verre, en formats variés et avec différents mediums. Mais il lui a d’abord fallu s’immerger dans l’histoire de Pierre II de Savoie et celle du XIIIe siècle, et déconstruire ses a priori pour s’approprier cette matière. «Cette exposition m’a fait grandir et m’a ouvert le champ des possibles. Je me suis permis des choses que je n’osais pas avant.»
Si la jeune artiste s’est aventurée en terres inconnues, elle y a emmené son matériau favori, la fascinante feuille d’or, en écho aux enluminures des manuscrits médiévaux. Une technique qu’elle a découverte enfant, en accompagnant sa grand-mère à des cours d’iconographie orthodoxe donnés par une professeure russe. «La voir utiliser ces feuilles a résonné en moi. Elle m’apparaissait presque comme une magicienne et je me suis dit: c’est ce que je veux faire dans ma vie. Cette lumière, j’ai envie de la partager dans ma création, en illuminant aussi des choses un peu plus sombres.»
Un petit dragon pour guide
Ce qui, de l’histoire du «Petit Charlemagne», lui a le plus parlé?
«Tout l’aspect destin. Pierre II de Savoie était destiné à une carrière ecclésiastique, mais il est devenu comte suite au décès de son neveu. Cela fait partie des aléas parfois incroyables de la vie. Un peu comme le fait de me retrouver à exposer ici au Château de Chillon, car avec ma sœur on était inscrites au Club Drako (membres juniors des Amis du Château de Chillon). Cela fait partie de mes plus jolis souvenirs familiaux!»
C’est aussi en compagnie de Drako, le petit dragon mascotte du monument, que les enfants et familles pourront parcourir l’exposition. Petits et grands auront également l’occasion de s’initier au travail à la feuille d’or, lors d’ateliers de dorure animés par l’artiste durant les vacances d’octobre et l’événement «En famille aux musées».
Dans la salle des Armoiries, sur la dernière page monumentale dédiée au comte Pierre II, Leah Linh a réalisé un portrait équestre de sa fille Béatrice de Savoie «en princesse guerrière à l’assaut d’un futur imaginaire». Un air d’autoportrait? «Cela représente une victoire par rapport au défi qui m’était proposé. Comme petite fille et jeune artiste, c’est une grande chose qui m’est arrivée. Maintenant, je laisse le public en décider.»