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Le développement de Frience fait à nouveau débat

Jean-Michel Amiguet, président de l’ATER, s’oppose à tout développement hôtelier sur le plateau de Frience.  | C. Dervey – 24 heures

Gryon
La Commune prévoit de «réduire» le potentiel de lits chauds supplémentaires de 3000 à 450, mais avec six emplacements pour des infrastructures hôtelières. Une association dénonce une atteinte au site et veut lancer une initiative communale.

Le bucolique plateau de Frience, sur les hauts de Gryon, échauffe à nouveau les esprits, 17 ans après le refus net à 70% en votation populaire de la vente de terrains aux promoteurs de «Super Frience», un projet de logements à 600 millions qui prévoyait 2’000 lits.

Cette fois, c’est la nouvelle planification touristique de la Commune, mise à l’enquête en octobre, qui a mis le feu aux poudres. Celle-ci prévoit la possibilité d’implanter six projets hôteliers ou para-hôteliers et une luge d’été dans cet écrin de nature, voisin des résidences secondaires de l’Alpe des Chaux, et rendu populaire par son lac en été et son tapis remonte-pentes pour lugeurs et skieurs en hiver.

Deux lectures

«Le plan actuel, qui avait permis d’envisager le maxi-projet de 2008, prévoit 3’000 lits de potentiel. Nous proposons de passer à 450, donc une baisse de 85%, argumente le municipal du tourisme de Gryon, Eric Chabloz. Le Plan directeur touristique des Alpes vaudoises, qui attribue des quotas de lits touristiques en a fixé 1’115 pour Gryon, et il nous revient de répartir ce potentiel sur notre territoire.» 

La lecture de l’Association pour un Tourisme Écologiquement Responsable (ATER), née en 2023 et forte de 120 membres, est tout autre. Elle dénonce un projet «disproportionné» et qui, selon elle, «viole plusieurs articles de la Loi sur l’aménagement du territoire». 

Elle a donc fait opposition lors de la mise à l’enquête. «Le plateau de Frience, bien que fréquenté, demeure un lieu de calme et de contemplation, où familles, randonneurs et habitants viennent profiter d’un tourisme doux, respectueux de la nature et du cadre environnant», explique son président Jean-Michel Amiguet. 

L’existence des structures actuelles (tapis roulant, piste de ski, buvettes) n’est pas remise en cause, ni la future nouvelle télécabine, qui prévoit un arrêt intermédiaire à Frience. L’ATER ne veut par contre ni de «la construction d’un ou plusieurs hôtels», ni de «l’implantation d’activités plus lourdes, ludiques ou sportives».

Pro Natura Vaud a également fait opposition, mais reste beaucoup plus modérée. «L’endroit est de toute façon déjà soumis à une certaine pression d’activité humaine», considère Alberto Mocchi, son secrétaire général. Eric Chabloz abonde. «Nous enregistrons 230’000 passages sur le tapis d’hiver, sans compter les nombreuses personnes autour du lac en été.»

Absence de débat

L’ATER déplore aussi une discrétion qu’elle juge «suspecte» lors de la mise à l’enquête et l’absence de communication sur le sujet, malgré des appels à échanger dès janvier 2024. «Nous considérons qu’une mise à l’enquête d’une telle ampleur aurait dû faire l’objet d’une information claire au Conseil communal, ainsi qu’à la population», lance Jean-Michel Amiguet.

Eric Chabloz s’étonne de la critique. «Il y a une chronologie à respecter lors de l’élaboration de tels plans. Tous reviennent au Conseil communal pour le mot final, mais après discussion avec les opposants, or les convocations sont sur le point de partir. Par ailleurs, le Conseil communal est doté d’une Commission de l’urbanisme qui suit l’avancement – certes lent – de ce dossier.»

Initiative à l’unanimité

L’ATER n’a pas l’intention d’attendre. Le 25 janvier, elle avait décidé à l’unanimité de «proposer une initiative populaire aux habitants de Gryon». Pas plus tard que samedi dernier, ses membres ont voté à l’unanimité le texte définitif demandant «de maintenir le plateau de Frience tel qu’il se présente actuellement, sans construction supplémentaire (hôtel, para-hôtellerie)». 

Un dernier point interpelle Jean-Michel Amiguet. «Le retour d’un projet hôtelier sur ce lieu emblématique interroge: quelle est la cohérence d’un développement touristique pensé il y a près de deux décennies, alors que les attentes de la population, les urgences climatiques et les priorités locales ont changé?», s’étonne le natif et habitant de Gryon.

Eric Chabloz dit en avoir parfaitement conscience. «C’est pour cela que nous voulons réduire drastiquement les possibilités de construction. La planification cantonale donne simplement la possibilité aux Communes de garder, pour les 15-20 ans à venir, un potentiel touristique au sens large, que ce soit un hôtel, un camp de vacances ou autre. Certains imaginent que six projets d’hôtels sont sur la table, mais c’est faux!»

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