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Lever le pied plutôt que de finir au tribunal

Au volant de son camion, David Da Silva préfère s’en tenir aux limites de vitesse plutôt que de se risquer à perdre son permis de conduire.  | L. de Senarclens – 24 heures

Sécurité
L’instauration du 30 km/h nocturne dans plusieurs communes n’est pas sans poser de problème à certains services de secours. Sapeur-pompier volontaire rattaché à la caserne de Vevey, le sergent David Da Silva témoigne.

Il y a d’abord eu Vevey, puis Montreux. Et depuis peu, La Tour-de-Peilz. Au cours des trois dernières années, le 30 km/h nocturne s’est déployé sur de nombreux axes routiers de la Riviera. Si la population qui borde les routes concernées peut sans doute dormir plus tranquillement, la mesure a aussi son lot d’inconvénients, notamment pour certains services de secours. 

«Cela peut clairement avoir des effets sur l’intervention», lâche David Da Silva. Le Boéland de 37 ans est sapeur-pompier au sein du SDIS Riviera depuis une quinzaine d’années. Rattaché à la caserne de Vevey, le sous-officier peut conduire tous les véhicules d’intervention.

Selon lui, cette limitation nocturne pose problème avant même qu’il ait enfilé sa tenue de pompier. «Contrairement aux policiers ou aux ambulanciers – qui interviennent directement de leur base – nous autres sapeurs-pompiers volontaires devons d’abord faire le trajet qui va de chez nous jusqu’à la caserne, explique-t-il. En journée, je mets environ 9 minutes pour le parcourir. Un temps rallongé de plusieurs minutes avec le 30 km/h nocturne.»

Cette préoccupation, la Fédération vaudoise des sapeurs-pompiers l’exprimait en 2021 déjà. Dans un courrier destiné aux Communes désireuses d’appliquer cette limitation de nuit, la faîtière demandait de maintenir, sur «certains axes prioritaires conduisant aux casernes», une «réglementation ne péjorant pas le temps d’intervention». Et la fédération de rappeler que, selon le standard de sécurité cantonal, les délais pour intervenir vont de 15 à 18 minutes au maximum en zone urbaine et de 20 à 23 minutes en zone extra-urbaine.

Pour les autres services «feux bleus» de la Riviera, l’instauration du 30 km/h nocturne n’a pas réellement d’impact. «Du côté de Police Riviera et d’Ambulance Riviera, aucun effet significatif n’a été constaté», indique Dounya Schürmann-Kabouya, porte-parole de Sécurité Riviera. «En pratique, les interventions urgentes réalisées avec signaux prioritaires ne sont pas strictement soumises à cette limitation.»

Ne pas perdre son permis

Mais même au volant de son tonne-pompe, gyrophares enclenchés en direction d’un sinistre, David Da Silva assure qu’il se pliera à la limitation nocturne. «En toute situation, je respecterai la limite des 30 km/h. Et ce sera sans doute le cas pour la plupart de mes collègues. Je rappelle que nous ne sommes <que> des volontaires. À côté de ça, nous avons tous un métier pour lequel nous avons besoin de notre permis», affirme cet électricien de profession. 

Dans quelle mesure un pompier, ambulancier ou policier pincé en excès de vitesse est-il punissable? «Le Ministère public vaudois examinera les circonstances de l’intervention pour déterminer si la course urgente est justifiée, expose son porte-parole Vincent Derouand. Ensuite, la vitesse appropriée au cas d’espèce sera déterminée. Si la vitesse mesurée dépasse la vitesse appropriée, l’écart est sanctionné.»

La justice du canton ne tient pas de statistiques concernant ces cas spécifiques. «On peut toutefois estimer que les procédures ouvertes à l’endroit de policiers en intervention représentent moins de dix cas par année», indique Vincent Derouand. 

Trop de « flou »

Pour notre sergent sapeur-pompier de la Riviera, il y a beaucoup trop «de flou et d’aléatoire» à la clé pour se risquer à dépasser la barre des 30 km/h après 22h sur les tronçons concernés. «Un officier se rend généralement sur le lieu du sinistre en premier pour évaluer le degré d’urgence et nous le communiquer par radio. Mais la notion d’urgence peut parfois être subjective, si bien qu’il vaut mieux éviter de passer devant un juge que de miser sur sa clémence.»

Christian Schwab, conducteur VMCV

« On prend beaucoup de retard »

Les chauffeurs de bus VMCV doivent aussi composer avec l’instauration du 30 km/h nocturne. «Le plus compliqué, c’est sur les lignes urbaines, témoigne Christian Schwab. On prend parfois beaucoup de retard. Et avec les feux de carrefours qui clignotent en orange à partir de 22h, les voitures ne nous laissent pas passer. Dimanche soir par exemple, sur la ligne 202, je suis arrivé au terminus avec quatre minutes de retard.» Un «bridage» à 30 km/h qui, selon lui, complique aussi la conduite. «Avec un bus de 19 tonnes chargé de passagers, les montées sont parfois compliquées à cette vitesse.» Président ad interim de la section syndicale SEV et également conducteur VMCV, Camillo Ferace a recueilli d’autres avis parmi ses collègues de nuit. «Au début, c’était stressant pour eux, mais nous sommes des professionnels et on se met vite à la page.» Le représentant attend de voir comment se dérouleront les périodes «animées», tels que le festival de Jazz ou le marché de Noël. «Par ailleurs, certains collègues souhaiteraient une meilleure signalisation des débuts et des fins de tronçon, ainsi que des panneaux plus visibles», relève-t-il encore.