Pionnière du chauffage et du sanitaire, Giovanna SA s’est éteinte

La nouvelle est restée discrète. Au siège de Clarens, le téléphone de la société énonce toujours ses heures d’ouverture et le site Internet est toujours actif. L’entreprise a pourtant déposé son bilan. Sa faillite a été prononcée par le Tribunal de l’Est vaudois, avec effet au 1^er avril dernier. Dans la branche, la fermeture de Giovanna SA et de ses succursales à Lausanne, Martigny et St-Maurice, où se trouvait la holding du groupe depuis 2020, a été une véritable surprise.

«Nous avons été d’autant plus chagrinés que c’était une entreprise partenaire historique solide», relève Fabio Carvalho, responsable communication de l’Association vaudoise des installateurs de chauffage et de ventilation (AVCV), et du secteur de la construction spécialisé dans les techniques du bâtiment. «Cela reflète cependant la situation tendue et les conditions difficiles, compliquées, dans les domaines du chauffage, du sanitaire et de la ventilation.»

La crise s’est visiblement précipitée ces derniers mois. En février, la société engageait encore un contremaître spécialisé, qui allait se retrouver licencié deux mois plus tard, en même temps que 35 collaborateurs de la région, parmi lesquels aussi une dizaine d’employés venant du Valais et six autres du canton de Fribourg.

Cinq générations au compteur

La fin abrupte de cette entreprise familiale intervient alors qu’elle devait fêter, cette année, ses 150 ans d’existence. Elle avait en effet été fondée au siècle passé, en 1875, par les frères Jean et Georges Giovanna. Cinq générations se sont succédé à sa tête. Elle a été dans les premières à utiliser un outillage technique permettant l’installation des salles d’eau dans la station touristique de Montreux, puis l’inox, avant de devoir, développement oblige, s’installer dans une nouvelle usine à Clarens. 

La faillite a toutefois déclenché un processus de réactions qui pourrait être qualifié d’exemplaire. Mis au courant par l’administrateur Manuel Hoyos Casares – qui a repris la tête de Giovanna SA en 2020 – l’ORP de la Riviera et la Caisse cantonale de chômage ont ainsi pu organiser, l’après-midi même, une vaste séance d’information pour le personnel touché quant à ses droits. C’est ce qu’indique Séverine Liardon, responsable communication de la Direction de l’emploi et du marché du travail (DGEM) à l’État de Vaud. 

Entretiens de « speed recruiting »

L’office a actionné son service régional dédié aux prestations pour les entreprises, afin de mettre sur pied, dans les quatre jours qui ont suivi, des entretiens de «speed recruiting», avec huit autres sociétés locales de la branche. En raison du manque de personnel qualifié qui règne dans le secteur, ces démarches ont permis à presque tous les employés techniques de Giovanna d’être engagés ailleurs très rapidement.

Seules deux des vingt personnes inscrites au chômage dans le canton de Vaud n’ont pas encore retrouvé d’emploi, précise la DGEM. Plusieurs des employés avaient par ailleurs déjà quitté l’entreprise dès que les difficultés financières sont apparues pour être réengagées par d’autres employeurs, note Guillaume Racloz, responsable du secteur artisanat au syndicat Unia.

Une guerre des prix

Pour l’association des chauffagistes, la faillite de Giovanna illustre les conditions qui frappent ces entreprises techniques du bâtiment. Cela en raison de délais de plus en plus drastiques, de la situation incertaine du prix des matériaux, de la recherche de personnel qualifié, du manque cruel d’apprentis dans ce secteur, mais également des tarifs. «Les entreprises se tirent parfois dans les pattes, parce que le critère numéro un sur les marchés publics, qui représentent les plus gros contrats, c’est le prix. On prend le moins cher», souligne Fabio Carvalho. «La guerre des prix, ça fait déjà des années que ça dure, mais du travail, il y en a», nuance néanmoins le patron d’une autre grosse entreprise de la région. Contactée, la direction de Giovanna n’a pas donné suite à nos appels.