Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Se salir les mains pour témoigner du réel

Vincent Jendly signe son nouveau livre «One Millimeter of Black Dirt and a Veil of Dead Cows».  | Images Vevey

Photographie
Après avoir marqué la dernière Biennale d’Images Vevey, Vincent Jendly signe un nouveau livre, sombre et brut. Un engouffrement dans les entrailles du port de Dunkerque, au sens propre comme au figuré.

«Un livre sale pour une réalité sale». Feuilleter le nouvel ouvrage du photographe fribourgeois, c’est prendre le risque de se tacher le bout des doigts. Comme une marque symbolique et tangible de la réalité du terrain, les pages de «One Millimeter of Black Dirt and a Veil of Dead Cows» sont recouvertes d’une poussière de charbon. Ramenée directement du port de Dunkerque où le photographe a réalisé sa dernière série. Broyée au moulin à café, cette matière brute a été saupoudrée manuellement, au pinceau, dans chaque exemplaire. Lors du vernissage de son ouvrage jeudi dernier à L’Appartement – espace d’Images Vevey – des lingettes trônaient sur la table, prêtes à retirer toute trace noire laissée par la roche.

L’artiste a par ailleurs signé la plus grande œuvre de la dernière Biennale de Images Vevey: 1’000 m2 d’un navire amiral de la CGN exposé sur la façade de Nestlé.

Documenter l’anthropocène

Le Lausannois d’adoption raconte avoir été bouleversé par le port de Dunkerque, «différent de tous les autres», essentiellement dédié à l’acier et au charbon. Ce site, inconnu et normalement inaccessible au public, il a pu y pénétrer et y accéder librement – jour et nuit – pendant plusieurs semaines, capturant ces paysages tout droit sortis de la révolution industrielle. Le résultat se veut brut, brutal même, en noir et blanc. Sans jamais aucune présence humaine.

Cette œuvre incarne l’anthropocène, cette «ère de l’humain». Vincent Jendly questionne l’ampleur des marques que nous laissons sur terre. «Dans les fouilles du futur, qu’est-ce ce qui va rester de nous? Des fossiles de vaches et un millimètre de particules noires? Ce n’est pas du militantisme écologique. En tant que photographe, je suis un passeur d’images, je me dois de documenter des réalités», relève-t-il.

Un terrain risqué

Inhalation quotidienne de poussières, prises de vue périlleuses depuis des grues à des dizaines de mètres, sols crasseux: les défis ont été nombreux. «Dans ce type d’environnement, on peut rapidement se blesser. J’ai d’ailleurs failli me brûler avec des fourneaux», raconte-t-il. Il réfléchit déjà à son troisième ouvrage, toujours sur le thème de l’anthropocène, probablement dans les dernières forêts primaires d’Europe, en Pologne.

Deux expositions à L’Appartement

Deux photographes africains, deux générations, deux visions artistiques propres. James Barnor saisit à l’argentique les mutations socioculturelles du Ghana et du Royaume-Uni, des années 1950 jusqu’à aujourd’hui. Nico Krijno (Afrique du Sud) ose les couleurs vives dans des collages numériques et compositions abstraites, avec une approche expérimentale. À découvrir jusqu’au 20 juillet à L’Appartement, espace de Images Vevey à la gare.

GALERIE