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Un scarabée a jailli de la carcasse du grand séquoia

Les sculpteurs Yann Dumas (au premier plan) et Alexandre Berlioz ont eu une semaine pour donner vie à l’insecte géant. |M.-L. Dumauthioz – 24 heures

La Tour-de-Peilz
Deux ans après le triste abattage de l’emblématique conifère du Jardin Roussy, sa souche a été confiée à deux sculpteurs.

Longtemps, la population boélande s’est demandé ce que cette énorme souche allait devenir. C’est qu’en mars 2023, l’émotion était grande lorsque l’immense et vénérable séquoia du Jardin Roussy était abattu pour cause de maladie. La réponse, enfin, est apparue la semaine dernière, minute après minute, sous les coups de tronçonneuses de deux sculpteurs français. Dans le cadre de la Fête de la Nature, Alexandre Berlioz et Yann Dumas se sont en effet vu confier cette mission par la Ville, en collaboration avec la Fondation Montreux Art Gallery (MAG): redonner vie à la dépouille du conifère géant. 

Juchés sur un échafaudage et une montagne de sciure rougeâtre, les deux quadragénaires de la Drôme auront manié la chaîne dentée de lundi jusqu’à dimanche pour faire apparaître un lucane cerf-volant, gros scarabée noir aux mandibules intimidantes. Un sujet qui s’inscrit dans le thème «Bois mort, source de vie». «Le lucane a un rôle important dans la décomposition du bois mort, souligne Yann Dumas. Il s’en nourrit pendant quatre ans à l’état larvaire.»  

Un coléoptère qui aura d’ailleurs donné des sueurs froides aux deux plasticiens. «En observant l’insecte en photo, on s’aperçoit qu’il est plat», dit Alexandre Berlioz. «Un vrai vaisseau spatial!», complète son collègue. «Alors nous avons dû lui ajouter des lignes pour créer des arêtes, donner du relief. Parce que si c’est tout rond, ça ressemble plutôt à un Pokémon», se marre le tandem habitué à œuvrer ensemble. 

Tendre comme du beurre, mais…

Les deux l’affirment: c’est le «plus gros projet» dans lequel ils se sont lancés. Avec ses quatre mètres de haut pour trois mètres de diamètre, la souche en impose. Et elle ne se laisse pas faire si facilement. «Il y a des plis d’écorce qui s’enfoncent jusqu’à un mètre de profondeur, décrit Yann Dumas. Mais une fois qu’on atteint le bois, c’est tendre comme du beurre. Il faut presque retenir les machines.» Au total, les deux sculpteurs avaient un arsenal de huit tronçonneuses de tailles différentes. «Et des disqueuses pour modeler.»

Autre particularité de cette réalisation: le fait d’œuvrer devant les yeux du public. «Ce qui est sympa, c’est que les gens la voient évoluer.» Des passants s’arrêtent, posent des questions. «On a décidé qu’on demanderait une bière par question», plaisante Alexandre. Et d’autres n’hésitent pas à donner leur avis, même s’il n’est pas très favorable. «En début de semaine, une dame nous a crié que c’était moche.» Preuve en tout cas que la population de La Tour-de-Peilz se sent concernée par ce qui se trame sur les vestiges du conifère.    

Hâte de le voir de loin

Plateformes glissantes, masques trempés: la pluie abondante de la semaine passée a certes retardé leur travail. Deux jours ont presque été perdus. Mais le plaisir et le moral des deux artistes sont restés inoxydables. «J’ai hâte qu’on enlève l’échafaudage pour voir à quoi ça ressemble, sourit Yann. Ce n’est pas toujours évident, parce qu’on ne peut pas reculer pour s’en rendre compte.» La pluie s’est arrêtée. Les deux complices rallument leurs machines et s’attèlent à ciseler les pattes du lucane géant, le nouveau totem du Jardin Roussy.

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