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«Certains font du jardinage, moi je fais de la deuche»

David Ferrari devant le hangar de Saint-Légier où il se consacre à sa passion. Sur la gauche, une Burton, une voiture en kit montée sur une base de 2CV.  | R. Brousoz

Restauration
Depuis trois décennies, David Ferrari nourrit une passion sans borne pour la mythique voiture de Citroën. Plus qu’un véhicule selon lui, un «art de vivre».

Un vieux hangar perdu dans les hauts de Saint-Légier. Deux petits garages remplis de pièces détachées, où flotte un parfum de mécanique ancienne. Et parquées devant, cinq ou six voitures estampillées de l’emblématique double V renversé. C’est donc ici, au milieu des prés et des vaches, que David Ferrari a édifié son temple consacré à la 2CV, la «Deuche» pour les intimes. «Quand je viens ici, je mets les mains dans le cambouis et ça me permet de sortir de mon travail, de mes papiers», glisse tout sourire le directeur du Bureau technique intercommunal du Cercle de Corsier.
Une passion qui remonte à son plus jeune âge, lui qui a été bercé par des cousines de l’emblématique modèle. «Nous étions six en famille, dont quatre garçons. Mes parents ont toujours eu des Ami 8, la version berline de la 2CV», explique ce natif de Saint-Légier âgé de 54 ans. Un virus attrapé sur ces vieux sièges en cuir, et qui ne le quittera donc jamais.

Les yeux fermés
«À 18 ans, je me suis lancé dans la reconstruction d’une deuche à partir de deux autres, raconte-t-il. C’était plus sympa, plus créatif que d’acheter une voiture d’occasion.» Aidé par son frère – alors mécanicien-électricien au MOB – le jeune homme donne patiemment vie à sa toute première voiture. «Elle était turquoise avec des gentes roses. Ah tenez, il en reste un vestige là», lance-t-il en désignant un morceau de carrosserie posé dans l’herbe à côté du hangar.
Depuis cette première expérience, David Ferrari dit avoir démonté une bonne vingtaine de 2CV. «Je pourrais les remonter les yeux fermés!», affirme ce technicien en géomatique. C’est grâce à ces vénérables dames roulantes qu’il s’est formé à l’art des boulons et des écrous. «Mécaniquement et électriquement, ça reste accessible, tout en étant bourré d’astuces techniques intelligentes.» Un savoir-faire dont l’habitant de Saint-Saphorin fait profiter d’autres passionnés, comme en témoigne cette deuche aux plaques allemandes garée dans un coin.

«C’est la liberté»
Mais attention: n’allez pas croire que le plaisir de notre «deuchiste» se limite aux seules pièces sans cesse dévissées et revissées. Il y a aussi – et surtout – la satisfaction de rouler en 2CV, dont il profite dans ses trajets au quotidien. «Ce que je ressens au volant? La liberté. J’aime le bruit, l’odeur. Il n’y a pas d’ABS, il faut anticiper les freinages. Cette sensation de liberté, on ne l’a plus aujourd’hui. Avec des véhicules qui font sans arrêt bip-bip, la conduite est devenue très aseptisée.»
«Car ceci n’est pas une voiture, poursuit-il. C’est un art de vivre. On se promène en 2CV et on peut même y dormir!» Face à notre étonnement, David Ferrari se dirige vers l’une de ses protégées. Il ouvre la porte du coffre, baisse les sièges. «Et là, à l’arrière, on ajoute une queue-de-pie, une pièce qui permet d’allonger le véhicule.» De quoi prendre la route pour aller loin, très loin, sans se préoccuper d’un hôtel à réserver. «L’été dernier, j’ai roulé jusqu’en Slovénie pour un meeting. Il y a tellement de rencontres organisées que l’on pourrait en faire chaque week-end!»

Pour le sport ou le dimanche
Autre signe qui témoigne d’une communauté 2CV encore très vivante: les pièces se trouvent assez facilement, et ne nécessitent pas de se ruiner. «Il y a beaucoup de refabrication, et on peut également compter sur les bourses d’échange.» Un vivier presque intarissable, qui devrait permettre à David Ferrari de mener à bien son prochain objectif: la réparation d’une fourgonnette 2CV, dont la carcasse dort dans le hangar. «Elle attend des jours meilleurs», sourit-il.
En attendant, le quinquagénaire ne se prive pas de varier les plaisirs deuchistes. Dans son écurie de cinq véhicules se trouve une bête étrange, en forme de coupé cabriolet. «C’est une Burton, indique-t-il, une voiture en kit montée sur une base de 2CV.» Et pour les dimanches, David Ferrari se réserve la 2CV AZLP, «un modèle suisse qui se dandine». Qu’importe la série, à chaque fois la mythique Citroën fait son effet. «Les gens sourient, c’est hallucinant. Certains viennent me dire qu’ils en avaient une.»
Quant aux plaisantins qui lui font très souvent remarquer la dissonance entre sa passion et son patronyme, l’intéressé a une réponse bien rodée: «Il n’y a pas besoin d’une Ferrari pour avoir du plaisir!» Il en est la preuve vivante. Roulante, même…