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À Chardonne, des morceaux de passé se cachent sous les arbres

La plantation d’«arbres des sept ans» – sous lesquels sont placées les boîtes à trésors – sont toujours des moments appréciés dans la vie du village, comme ici aux abords du Temple le 14 mars dernier. | S. Tarayeff  

Tradition
Depuis des décennies, des capsules contenant des documents sont enterrées sous les racines lors des plantations. L’une d’elles a été exhumée en début d’année.

À Chardonne, les arbres ne sont pas que des arbres. Certains sont de véritables machines à remonter le temps. La preuve? Cet érable argenté, qui trônait depuis plus de 60 ans sur la place du Temple. En début d’année, le vénérable feuillu a dû être abattu pour cause de maladie. Une opération réalisée avec la plus grande délicatesse.

«Certains habitants se souviennent avoir participé dans leur jeunesse à la plantation de l’arbre ou d’en avoir entendu parler, raconte Sacha Tarayeff, responsable de la voirie à Chardonne. Ils nous ont prévenus qu’en le déracinant, on allait sans doute trouver une capsule en métal à sa base, et qu’elle contiendrait des documents.» Et effectivement, alors qu’ils s’attaquent à la souche, les bûcherons aperçoivent un morceau de métal prisonnier des racines: la fameuse relique. «Au début, on a cru qu’on n’allait pas pouvoir la déterrer.»

Grâce à quelques coups – prudents – de dessoucheuse, la capsule de plomb est enfin libérée. «Avec le temps, les racines avaient bien beugné le cylindre. Mais on a pu l’ouvrir et son contenu était en excellent état.» Différents papiers en sont extraits (voir encadré). Parmi lesquels, un descriptif officiel de la plantation, qui s’est déroulée le 18 novembre 1961. Un document dactylographié signé de la main du syndic de l’époque Jean Forestier.

Des dessins plutôt que des discours

Toujours bien vivante, cette tradition chardonnerette a de nouveau été honorée. Le 14 mars dernier, un nouvel arbre a en effet été planté au même emplacement. Et comme toujours, ce sont des élèves âgés de sept ans qui ont mis la main à la terre pour aider à installer le nouveau ligneux, un érable champêtre. Ce n’est pas pour rien qu’au village, cette coutume est appelée «l’arbre des sept ans». Comme à chaque fois, une capsule temporelle a été glissée sous la motte. Elle contenait des dessins d’enfants.

«La tradition évolue au fil du temps», sourit Gilbert Cavin, municipal chargé des écoles. «Avant, on y mettait des discours politiques. Et maintenant, ce sont des dessins qui pourraient être retrouvés par leurs auteurs une fois que l’arbre aura fini sa vie.» 

Pour l’élu – qui chapeautait mi-mars sa quatrième plantation – la symbolique est forte. «Par cette démarche, les enfants sont en quelque sorte liés à l’existence d’un arbre. Ils participent à son installation et le voient évoluer. Ça les relie à la nature. Ils réalisent qu’eux aussi font partie du paysage.» 

Orchestrées en collaboration avec le corps enseignant, ces cérémonies de mise en terre ne sont pas les plus mauvais moments dans la carrière d’un municipal. «C’est aussi chouette de parler devant ce public jeune, relève Gilbert Cavin. Ils nous interrompent, font des grands signes.» Un moment solennel ponctué par des chants en l’honneur du nouvel arbre installé. 

Avis à ces futurs anciens élèves qui, un jour peut-être, assisteront à l’exhumation de «leur» capsule du 14 mars 2025: il faudra y aller en douceur, histoire de ne pas abîmer la bouteille de blanc de Chardonne qui gît également ici.

Retour en 1961… et 1898

La capsule de plomb retrouvée sous l’arbre de la place du Temple n’a pas uniquement offert un voyage temporel en novembre 1961, grâce notamment à la présence de journaux parus à ce moment. Un document daté de la fin du XIXe siècle y a en effet également été découvert. Rédigé à la main d’une écriture soignée, ce dernier n’est autre que le compte-rendu détaillé de la précédente plantation, qui a eu lieu au même endroit le 24 janvier 1898. Il s’agissait alors d’un marronnier rouge, installé à l’occasion de la commémoration du centenaire de l’indépendance vaudoise. On y apprend notamment qu’au matin de ce jour de fête où le «port de la cocarde verte est de rigueur», 23 coups de canons ont été tirés à 6 heures et demie du matin. L’auteur en profite également pour évoquer la météo de l’époque. «Après une pluie persistante de fin-août à mi-septembre, le temps s’est mis au beau le 24 septembre et il dure encore aujourd’hui», se réjouit-il. Documents à retrouver ici: chardonne.ch

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