
Antoine Salina s’est exprimé vendredi au nom de l’Abbaye de Saint-Maurice. Cette dernière reconnaît les dysfonctionnements relevés par le rapport Aubert, demande pardon aux victimes et prévoit une réforme en profondeur. | C. Dervey – 24 heures
Des «violences sexuelles avérées». 67 situations pour la période 1960-2024, ayant touché au moins 68 personnes, dont 57 étaient mineures au moment des faits. Les conclusions du rapport Aubert, du nom du procureur général neuchâtelois chargé début 2024 de superviser une étude indépendante sur les cas d’abus des 50 dernières années dans les archives de l’institution agaunoise ou étayés par des témoins ou victimes, sont sans appel. Elles ont été révélées vendredi et ont fait l’effet d’une bombe par la clarté et l’ampleur des faits.
Il est question «majoritairement» de «gestes ou de paroles impliquant des sous-entendus sexuels dans un rapport d’autorité», mais aussi, entre autres, d’«attouchements», de «séances de photographies ambiguës», d’«actes d’exhibitionnisme», et même de «viol» et d’«avortement forcé» dans une mission au Congo mise en place par des chanoines de l’Abbaye.
Le tout a été couvert par «une culture du silence et de la banalisation» par souci «de préserver la réputation de l’Abbaye». Le rapport évoque un «règlement discret des affaires à l’interne», «des propos de victimes minimisés», des affaires étouffées et des abuseurs (parfois récidivistes) déplacés pour les faire oublier.
Le rapport final établi par Pierre Aubert grâce au travail de deux chercheuses de l’Université de Fribourg, appuyées par une magistrate neuchâteloise pour les auditions, atteste en outre «de la dimension systémique des facteurs autorisant la survenue des violences et entraînant une gestion déficiente des cas signalés». En somme, le mal est très profond et appelle une réforme importante.
Si Pierre Aubert tient à préciser que «systémique ne signifie pas systématique», le rapport lui laisse un goût amer. «D’intenses regrets, bien sûr, de ce que l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour empêcher ces violences ait certainement multiplié le nombre de victimes et ait si mal soutenu celles qui ont été, auraient pu ou auraient dû être reconnues. Du dépit aussi que beaucoup d’auteurs n’aient pas été confrontés à leurs actes.» En effet, le groupe de travail «n’a identifié aucun cas susceptible de tomber sous le coup de la loi qui n’ait déjà été jugé ou qui ne soit manifestement prescrit».
Culture du silence et banalisation
L’Abbaye de Saint-Maurice a dit faire acte de «contrition» et «demandé pardon aux victimes» par la voix du chanoine Antoine Salina, qui officiait en lieu et place du père abbé Jean Scarcella, «souffrant depuis quelques jours et en arrêt maladie pour un certain temps».
Elle reconnaît «l’existence d’une culture du silence et de la banalisation, qui a affaibli la capacité d’écoute, le sens des responsabilités, et la vigilance communautaire, elle (l’Abbaye) qui n’a pas su tenir compte de signaux qui dénotaient d’attitudes parfois gravement dysfonctionnelles, et ceci de manière répétée».
L’Abbaye s’est engagée à «refuser toute forme de déni ou de repli» et à réaliser «une transformation en profondeur, pour que jamais de tels actes ne puissent se reproduire, ni être ignorés, ni être couverts». Un plan d’actions a été décidé.
Il sera mis en œuvre par un nouvel organe, la Commission de conseil en gouvernance, composée de laïcs et de religieux, «présidée par un laïc et intégrant l’abbé», et s’articulera autour de cinq priorités: l’accueil des victimes, la refonte de la gouvernance, la prévention et la formation, le travail de mémoire et le dialogue avec la société civile. Un médiateur professionnel indépendant sera en outre nommé.
«Nous voulons que l’Abbaye ne soit plus un lieu d’ombre ou de silence, a ajouté Antoine Salina. Ce plan d’actions n’est pas une réponse symbolique. Il marque un tournant.»
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