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Des médiateurs pour pacifier l’espace public

Présents aux alentours de la gare, les médiateurs urbains veveysans se relaient depuis quelques semaines, de jeudi à samedi en soirée. Ils sont reconnaissables à leurs gilets blancs.  | N. Desarzens

Vevey
Depuis fin juin, la Ville teste un nouveau dispositif afin d’apporter une présence rassurante dans le quartier de la gare. Les lignes directrices: le vivre ensemble et le dialogue avec la population. Reportage.

«Vous vous sentez comment à Vevey?» Entame de discussion sur le quai de la gare en ce jeudi sous le coup des 18h. Reconnaissables à leurs gilets blancs, le duo de médiateurs urbains veveysans (MUV) patrouille le secteur depuis trois semaines. Une présence qui se veut rassurante dans un quartier parfois agité. 

«Nous avons eu une douzaine de sollicitations aujourd’hui», glisse Martin*, l’un des médiateurs présents ce jour-là. «Actuellement, les gens verbalisent leur ressenti», poursuit sa collègue Isabelle*. Si les médiateurs urbains ne révèlent pas leur identité, c’est qu’ils représentent la Ville de Vevey. «Nous ne sommes pas des potes de rue, abonde Isabelle. Nous représentons un Service communal, mais nous n’en sommes pas les visages. Il est donc important que nous ne personnifions pas ce rôle.» 

Ce nouveau dispositif a été mis en place pour répondre au sentiment d’insécurité chez une partie de la population témoin du deal de rue dans les environs. «Mais ce n’est pas une mesure qui se substitue à la sécurité», précise d’emblée la municipale chargée de la cohésion sociale Gabriela Kämpf. Les médiateurs ne sont pas des membres du corps de police ni de la sécurité. Ils ne pourront donc ni intervenir en cas d’infractions ni dénoncer des actes illicites. «Ils incarnent un relai entre les autorités et la population», ajoute encore Gabriela Kämpf. 

Être présent pour la population

Si la précarité et le deal de rue sont des problèmes systémiques, dépassant les compétences d’une seule ville, les autorités veveysannes explorent un nouvel axe avec cette mesure pionnière dans le canton. «Il s’agit d’un projet pilote, qui veut aussi humaniser la Commune dans l’espace public et montrer qu’elle est à disposition de ses habitants», souligne l’édile.

Actuellement, deux médiateurs se relaient dans les alentours de la gare en fin de semaine, de 17h à 22h. «Ce dispositif ne résoudra pas à lui seul le problème du deal de rue, mais il agit en collaboration avec les quatre autres piliers du plan d’action, soit la prévention, le traitement, la réduction des risques et la répression», détaille la coordinatrice du projet Sarah Morier.

Quelle est donc plus exactement la mission de ces médiateurs? Parler avec tout le monde qui gravite autour de la gare. Cette présence sera couplée à une observation active, mais sans surveillance. «C’est un travail qui se tisse tous les jours», détaille la Cheffe de service de la cohésion sociale Christyl Vasserot. Gabriela Kämpf rapelle qu’«il faut être conscient qu’il s’agit d’un projet évolutif».

Qu’en pensent les commerçants ?

Pharmacien, Sofiane Kharbouche regrette de ne pas pouvoir accueillir sa clientèle dans de bonnes conditions à cause de la présence régulière de dealers vers son magasin. «Tous les jours nous sommes obligés de leur ordonner de ne pas rester devant nos vitrines.» Quelques pas plus loin, Romuald Niclot salue lui cette présence de la Ville dans l’espace public. Chauffeur pour l’entreprise Taxi Chaplin & Oriental, il a pu échanger avec les médiateurs. «Même s’ils ne vont pas pouvoir diminuer la délinquance dans le secteur, ils nous écoutent. On se sent entendu.» Salvatore Piscopo, gérant du KymèM Café, à deux pas du quai, questionne la pertinence de la mesure. «Pour éradiquer le deal de rue, il faut légaliser certaines substances.»

Pas une mesure «bisounours»

Pour Christyl Vasserot, les résultats ne vont pas forcément dépendre des moyens déployés. «C’est frustrant, mais c’est le cœur du travail social qui est aux prises avec la complexité de l’être humain.» Une phase «test» sur environ trois mois est prévue. «Face à la critique d’un dispositif trop <bisounours>, je réponds qu’il faut du temps pour nouer une relation avec la population et connaître les spécificités du terrain, poursuit la Cheffe de service. Tisser du lien, ça augmente le sentiment de sécurité dans l’espace public et ce n’est pas un sentiment quantifiable. C’est toute la complexité du travail social.»

*Prénoms connus de la rédaction

En cas de constat d’infraction dans l’espace public, appeler la centrale de Police Riviera (24h/24h) au 021 966 83 00 ou composer le 117 en cas d’urgence.

Sentiment d’insécurité: les dealers ne sont pas les seuls responsables

Comme toute gare, celle de Vevey est très fréquentée et parfois le théâtre de tensions et d’infractions commises par une autre frange de la population connue des services de police, tels des délinquants multirécidivistes. «Cela étant, ces personnes agissent sur l’espace public en général et non uniquement dans le secteur de la gare», précise le Commandant de Police Riviera Ruben Melikian. Imputer l’insécurité uniquement aux dealers représente donc un raccourci. «Nous comprenons bien que leur oisiveté est susceptible de générer pour certaines personnes de l’agacement et une forme de sentiment d’insécurité», concède le lieutenant-colonel. Cependant, les infractions pénales dénoncées concernent principalement la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration et la loi sur les stupéfiants. «S’ils font parfois preuve d’insistance, les dealers ne se montrent pas agressifs envers la population», souligne encore Ruben Melikian. La porte-parole de l’Association Sécurité Riviera (ASR), Dounya Schürmann-Kabouya précise que «l’opération de lutte contre le deal de rue est régulièrement réorientée par Police Riviera sur des actions à vocation répressive dans ce secteur». En outre, de nouvelles règles de la loi pénale vaudoise, comme l’interdiction de périmètre, sont applicables depuis cette année. Un outil supplémentaire pour lutter contre le deal de rue. À noter que la présence policière a aussi été renforcée quotidiennement et surtout en soirée.