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« Le chapeau est une extension de soi »

Les doigts de fée d’Annick Roulet créent des coiffes détonnantes, tout en élégance et subtilité.  | A. Roulet

Vevey
Créatrice de haute couture, Annick Roulet confectionne des pièces uniques depuis une dizaine d’années. Elle expose actuellement une pièce aux Rencontres internationales des Arts du Chapeau.

Des entrelacs de soie de bananiers, des cônes de paille en fibres de riz ou encore des serre-têtes en sisal: exit les feutres, place à la collection estivale! Il fallait ruser pour essayer les coiffes aériennes et colorées, dévoilées à Vevey le 9 mai dernier, tant les pièces se passaient sur les têtes. 

«Le premier essai, lorsque la personne se regarde dans la glace, c’est un instant magique, nous glisse Annick Roulet, virevoltant dans la boutique aux petits soins des clientes. Le chapeau magnifie la personne, ce n’est pas juste un objet!»

Une légèreté florale, semblable à la délicatesse des corolles violettes des glycines, qui encadrent l’écrin de la modiste. Car lorsqu’elle n’est pas dans sa boutique veveysanne, elle crée et confectionne ses accessoires dans son atelier, situé au rez-de-chaussée de sa maison à Ecoteaux. Le silence magnifie ce travail d’orfèvrerie, rythmé par des jets de vapeur.

Perché sur les hauteurs de la Veveyse, cet univers satiné est à la fois son lieu de confection et d’exposition. Parmi les moules en bois, les voilettes et les aiguilles, l’œil ne sait où se poser, tant il est gourmand. Attrapé de-ci par des rouleaux de dentelles, de-là par les plumes légères d’un bibi couleur crème.

Chapeaux, fascinators, serre-têtes, bandeaux: il y en a pour tous les goûts. «Le chapeau n’est pas un objet comme les autres, nous glisse Annick Roulet. C’est une extension de soi.»

Du hobby à la haute couture

Bricoleuse depuis toujours, la quinquagénaire a toujours nourri sa pulsion créative. De fil en aiguille, une passion en a entraîné une autre. De la céramique aux bijoux en argent, en passant par les perles de verre et la couture, elle finit par découvrir le monde de la chapellerie. 

«Adolescente, j’avais une machine à coudre et je créais mes robes. J’ai confectionné mon premier chapeau en tissu il y a 15 ans, un <coupé-cousu>. Et ça a été le déclic!» Infirmière diplômée depuis plus de 30 ans, elle décide alors de se lancer. Elle commence par jongler entre des remplacements en soins palliatifs et son activité artistique. «Je vendais alors mes chapeaux sur des marchés, et un jour une cliente m’a recommandé de faire un stage à l’école de couture de Sierre.»

Une passion qui s’est donc tissée graduellement, au fil des rencontres, dont celle déterminante d’Isabelle Haas. «J’ai fini par suivre ce stage d’initiation avec cette modiste, qui m’a ensuite formée durant deux ans.» La clé du succès? Une pratique continuelle. «Il faut savoir être audacieux, car la créativité n’a pas de limites. Pour imaginer un pourtour de tête, c’est un jeu fascinant entre la révélation et la dissimulation.»

Oser l’élégance

Si le chapeau a été rangé au placard depuis les années 1960, la créatrice d’origine neuchâteloise fait preuve de résistance, en réalisant des modèles uniques à la main. Autrefois signe distinctif d’un certain rang social, le couvre-chef détonne désormais dans la mode contemporaine. «Puisque ce n’est plus une obligation, cela permet de gagner en liberté d’expression. C’est un signe d’élégance et de personnalité.»

Au bénéfice d’un savoir-faire artisanal séculaire, elle perçoit son travail comme une forme de poésie, une façon de sublimer le quotidien. «L’élégance n’est pas une question d’argent, car selon moi nous en avons besoin pour mieux encaisser les coups de la vie. Le chapeau sublime notre quotidien.»

L’atelier LEobjet ouvre ses portes les samedi 14 et dimanche 15 juin (rte de Maracon 6, 1612 Ecoteaux).
Les chapeaux d’Annick Roulet sont à dénicher à la boutique «Perles du Lac» à Vevey.

Exposée parmi l’élite de la mode

Une amphore en fer forgé, remplie d’une eau luminescente. Avec sa «Porteuse d’eau», Annick Roulet a joué des tissus et des textures. Sous le signe de «L’art et la manière», la modiste s’est inspirée du surréalisme et des clairs-obscurs des peintres de la Renaissance. Repérée par le jury lors de la dernière édition, elle aime se mettre au défi et repousser les limites de la matière. «J’ai peut-être été un peu loin dans mon concept cette année», s’amuse-t-elle. Tous les deux ans, depuis 1995, les Rencontres internationales des Arts du Chapeau organisent un concours, lancé aux créateurs du monde entier sur un thème donné. 126 créateurs des quatre coins du monde ont participé à cette 15e édition. La pièce d’Annick Roulet est à admirer parmi la sélection de 88 créations retenues pour l’exposition, présentée du 25 mai au 2 novembre à l’Atelier-Musée du Chapeau, à Chazelles-sur-Lyon.

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