
Après 28 ans derrière son comptoir, Jacqueline Badoud a remis son officine, la pharmacie du Marché à Vevey, à son cousin l’été passé. Léo Wildhaber représente la quatrième génération de pharmaciens de sa famille. | N. Desarzens
«Comment allez-vous en cette période de rémission post-opératoire?» Au détour d’un café, Jacqueline Badoud reconnaît une ancienne cliente. «Vous voyez, nous tissons des liens thérapeutiques avec de nombreux patients, et nous les accompagnons parfois durant de longues phases de vie», emboîte Léo Wildhaber, attablé à ses côtés.
Pharmacienne durant près de 50 ans, cette native de La Chaux-de-Fonds vient tout juste de prendre sa retraite. La pharmacie du Marché, à Vevey, est désormais gérée par son cousin neuchâtelois, qui l’a reprise officiellement en été 2024. En cette fin d’année, ils se réjouissent – comme de nombreux professionnels de la branche– de l’introduction de la nouvelle convention tarifaire, dès le 1er janvier 2026 (voir encadré). Une convention qui doit visibiliser davantage leur travail.
Car les pharmaciens endossent une responsabilité importante dans notre système de santé, parfois méconnue parmi les autres acteurs sanitaires. «Nous luttons contre la fausse idée que l’on exécute simplement ce que le médecin a préconisé, affirme Léo Wildhaber. C’est notre rôle de nous assurer que la compréhension des patients est bonne, afin d’éviter toute ré-hospitalisation. Nous participons donc activement à la baisse des coûts de la santé.»
Mais contrairement aux autres professionnels de la santé, les pharmaciens, eux, n’ont pas toutes leurs prestations prises en charge par les caisses-maladie. Prenons l’exemple du vaccin contre la grippe: en pharmacie, ni le vaccin ni son administration ne sont couverts par l’assurance maladie obligatoire. Avec une prescription médicale, seule la dose est remboursée, selon le geste du pharmacien. Pour les personnes avec une franchise élevée – ou qui ne l’ont pas encore atteinte – effectuer une vaccination en pharmacie est plus économique que chez le médecin.
Indépendants contre vents et marées
Face à cette inégalité, ces spécialistes font en outre face à de multiples défis comme la baisse continue du prix des cachets, la promotion sur les génériques et la hausse des coûts (loyer, personnel ou système de gestion des stocks). Ils doivent faire face également à des marges sur le prix des médicaments régulièrement en baisse.
Si les prix d’achat et de vente de ces derniers sont imposés par l’Office fédérale de la santé publique (OFSP), ceux sur les compléments alimentaires ou les cosmétiques (parapharmacie) sont plus flexibles. «Nous devons donc être le plus efficace possible sur ces produits non remboursés par l’assurance», résume Léo Wildhaber.
Parallèlement à un contexte déjà tendu, le développement de la vente en ligne par le biais d’officine digitale – qui propose «des rabais attrayants» – vient saper un marché pharmaceutique de plus en plus compétitif. D’autres modèles de contrats d’assurances maladie privilégient notamment telle ou telle chaîne pharmaceutique, au détriment des enseignes indépendantes. Contactée, l’Association des assureurs-maladie suisse dit ne pas disposer d’informations sur les contrats conclus entre les assureurs-maladie et les pharmacies.
«Ces partenariats avec des caisses-maladie distordent le marché», déplore encore Léo Wildhaber. Mais les indépendants se sont organisés pour faire face à ces menaces. Le réseau «pharmacieplus», créé il y a plus de 30 ans, dénombre aujourd’hui plus de 100 pharmacies. Il permet aux plus petites enseignes de mettre en commun leurs achats et leurs ressources. «L’adhésion à ce type de groupe indépendant permet d’avoir un pouvoir collectif», résume le pharmacien.
«Porte d’entrée» de la santé publique
À l’heure de la raréfaction progressive des pharmacies de quartier (voir encadré), certaines officines font de la résistance. À 70 ans, Martin Huwiler est toujours actif, lui qui a repris la pharmacie St-Martin au centre de Vevey il y a près de 40 ans. Cette prolongation de carrière au-delà de l’âge de la retraite s’explique autant par son amour du métier que par sa difficulté à trouver un repreneur indépendant. «Même les chaînes se montrent pointilleuses, parce qu’elles se soucient surtout du chiffre d’affaires du magasin», précise-t-il.
Cela fait 38 ans que ce pharmacien est derrière son comptoir, et il aime rappeler l’autonomie de son officine. «Le marketing ne dicte pas le réassortiment de mes rayons. Je suis donc libre de choisir les médicaments, donc mes clients aussi. Et le temps qui leur est dévolu n’est pas minuté!»
Plus de liberté donc, mais aussi moins d’uniformisation et une relation privilégiée avec la clientèle. Entre bobologie et prestations spécialisées, les pharmacies jouent un rôle important dans les soins médicaux de base. «Nous sommes la porte d’entrée à bas seuil de la santé», résume Martin Huwiler.
Une proximité qui permet aux petites enseignes de se distinguer. «Ancrées dans leur communauté et proches de leurs patients, les pharmacies indépendantes offrent un service personnalisé, parfois sur plusieurs générations, détaille la Société suisse des pharmaciens. Elles jouent souvent un rôle important dans les zones rurales ou semi-urbaines où les grandes chaînes ne s’implantent pas.»
Maux de ventre, toux persistante ou problème urinaire? À la place de se précipiter aux urgences, il est possible de se rendre plutôt dans une pharmacie. Comme chaque fin d’année, le Département de la santé et de l’action sociale du Canton essaie de limiter les longues attentes aux urgences des hôpitaux. C’est dans cette optique qu’il conseille la consultation en pharmacie, ces dernières étant habilitées à proposer conseils, orientations, traitements et consultations.
On dénombre 249 officines dans le canton de Vaud, sur 1’830 en Suisse. En 2025, le paysage helvétique compte plus de 63% d’enseignes indépendantes. Un pourcentage en déclin progressif: les chaînes grignotent du terrain et représentent désormais un peu plus d’un tiers (36%) des pharmacies aujourd’hui.
Avec la révision du système tarifaire, en vigueur depuis 2016, cette nouvelle convention vise à facturer les prestations lors de la remise des médicaments de manière «différenciée». Fini donc le forfait uniforme, les pharmaciens seront payés selon la complexité du travail effectué, dès le 1er janvier 2026.
«Cette révision envoie un message fort pour les officines, car elle inscrit le fait d’être rémunérés pour nos prestations médicales. Ce nouveau tarif visibilisera notre travail», estime Léo Wildhaber, gérant de la pharmacie du Marché à Vevey.
«Cette révision de la rémunération garantira une plus grande transparence et une reconnaissance plus précise des prestations réellement fournies en pharmacie», complète Stéphanie Logassi Kury, responsable communication de la faîtière nationale des pharmaciens. À noter que ce nouveau système tarifaire restera neutre en termes de coûts. Il n’alourdira ni la charge des assurés ni celle des assurances de soin.
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