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«Sculpter, c’est donner vie tout en enlevant de la matière»

L’Italienne Lara Steffe se plaît à tailler dans le bois des jeunes filles pleines de rêves. En plein labeur, son oeuvre gagnera en couleurs les jours suivants. | L. Menétrey

Villeneuve
Du 14 au 20 juillet, les rives ont vibré au rythme des tronçonneuses. Le 4e Symposium de sculpture sur bois a rassemblé dix artistes de toute l’Europe. Reportage.

Les tronçonneuses vrombissent, les copeaux tourbillonnent, et l’odeur du bois fraîchement taillé flotte dans l’air ce jeudi au bord du lac à Villeneuve. À l’approche de l’heure du dîner, les quais sont encore peu fréquentés, mais animés, grâce à la quatrième Biennale de sculpture sur bois. Depuis lundi, les rives du bout du Léman se sont transformées en atelier à ciel ouvert. «C’est très rare d’avoir des créations <live> avec des sculpteurs qui partagent leur processus artistique directement avec le public», s’enthousiasme Marie-Hélène Heusghem, vice-présidente de l’Association Villeneuve Culture, qui organise la manifestation.

Cette année, les dix participants venus de toute l’Europe – Danemark, Italie, République tchèque, Allemagne – ont eu comme thème «la joie est notre évasion hors du temps», tiré d’un propos de la philosophe humaniste Simone Weil. Tous ont la même matière première: un tronc d’arbre, fourni par la Commune de Villeneuve, de 2,5 mètres de long, 70 cm de diamètre et près de 700 kilos. Mais chacun s’approprie le thème à sa façon.

Fidèle sculpteur de la Biennale de Villeneuve depuis sa première édition en 2019, Alexandre Berlioz a façonné cette année un cadran de montre en pleine explosion. «Les deux aiguilles s’ouvrent et il y a comme une énergie qui s’en dégage. C’est comme une évasion hors du temps», lance le sculpteur français. À ses côtés, Yann Dumas a taillé une flèche de 2,5 mètres de haut qui pointe vers le ciel, symbolisant une escapade vers un ailleurs intemporel. Un peu plus loin, l’artiste italienne Lara Steffe a sculpté une jeune fille sur un nuage, la tête pleine de rêves et d’innocence. «Sculpter, c’est donner vie tout en enlevant de la matière», philosophie Alexandre, les mains saupoudrées de sciure.

Une signature propre

À force d’observer leurs œuvres, Marie-Hélène Heusghem reconnaît la patte de chaque artiste, presque les yeux fermés. «Chacun a sa propre signature. Alexandre travaille plus avec les cassures, les mouvements. Lara représente des jeunes filles scénographiées. Quant à Yann, ce sont les courbes qui dominent», relève l’organisatrice, notamment directrice de la Fondation Montreux Art Gallery (MAG).

Yann Dumas confirme. Le tailleur de pierre et restaurateur de monuments historiques se plaît à révéler la douceur des courbes du bois. «Je fais glisser la tronçonneuse et la fais couler dans la matière. C’est comme surfer sur une vague, il y a de la sensualité dans ce mouvement.»

Contrairement aux bûcherons, les sculpteurs utilisent des guides plus fins – partie métallique de la tronçonneuse – qui permettent une découpe plus précise. À leurs pieds: une collection de tronçonneuses de tailles variées, dont une si petite qu’elle ressemble à un jouet.

Quelques femmes à l’oeuvre

Sur les dix participants, quatre sont des femmes. Dont Lara Steffe qui est venue de la région du Trentin-Haut-Adige (IT) pour l’occasion. L’artiste regrette la faible présence féminine dans le milieu, mais salue la bienveillance et l’entraide de ses collègues masculins.

Devant sa sculpture, elle souffle un instant. Si la fatigue est là, la satisfaction l’emporte. «Je n’ai pas encore fini, je dois encore tailler les jambes, poncer, mais surtout ajouter de la couleur. Du rouge, du bleu, pour que ça prenne vie», se réjouit-elle.

Son œuvre, comme celles des neufs autres artistes, sera exposée pendant quatre mois le long des quais. À moins qu’elles ne trouvent acheteurs. Cette manifestation s’inscrit dans un projet artistique plus large, avec la Biennale de Montreux, ainsi que «Zoom Artiste» à Veytaux. Une balade artistique de 9 km à découvrir le long des rives lémaniques.

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