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Sur les traces du tsunami sur le Léman

Thierry Basset revient sur l’histoire géologique du Léman et sur l’enquête scientifique qui a permis de révéler les traces du tsunami de 563.  | A. Schaefer

Port-Valais
Le géologue Thierry Basset a guidé ce samedi une douzaine de curieux à la découverte de l’histoire méconnue du Tauredenum, survenu en l’an 563. Reportage le long des rives et des roches.

Sous ses airs débonnaires se cache une histoire mouvementée. Il y a près de 1’500 ans, le Léman a été frappé par une vague de 13 mètres, causant un véritable raz-de-marée sur ses rives, engloutissant villages et habitants au passage. «Pendant longtemps, on pensait que c’était une légende, jusqu’à ce que deux femmes scientifiques de l’Université de Genève découvrent des traces dans le lac. Elles ont repéré un dépôt de glissement de terrain sous-lacustre», explique avec une passion communicative Thierry Basset.

Aux Évouettes, une douzaine de curieux sont revenus samedi sur les traces de ce tsunami, aussi appelé le Tauredunum. «Je suis toujours étonné de voir autant d’inscriptions à cette excursion que je donne depuis 2018, et d’observer que c’est un sujet qui est encore peu connu», raconte ce géologue indépendant. Depuis 1999, il organise des excursions et voyages en tous genres: sur les traces des dinosaures, à la découverte des volcans en Islande ou encore des «soundwalks géologiques», soit des marches sonores immersives.

L’éboulement d’une montagne

Durant quatre heures et 6 kilomètres, l’histoire du Tauredenum se reconstitue au fil des étapes et des explications de Thierry Basset. Première étape: au pied du village des Évouettes. Après avoir lu un extrait des deux écrits historiques mentionnant le Tauredunum, le géologue pointe une montagne à côté du Grammont. Le pic de la Suche. Il explique que 30 à 40 millions de mètres cubes de roche se sont abattus sur la plaine du Rhône.

Le choc a causé une telle vibration au sol qu’une onde sismique s’est propagée jusqu’au lac. Mais comment celle-ci a pu déclencher une vague si haute? Pour connaître la réponse, les participants s’empressent de suivre le géologue le long du Rhône. Chroniqueur à l’émission «Côté Jardin» sur RTS Première, il a l’art de tenir son public en haleine.

Parmi les participants, Dominique Giovannoni est une habituée des excursions de Thierry, depuis ses débuts il y a plus de 25 ans. «Grâce à lui, j’ai découvert des endroits en Suisse que je n’aurais sûrement jamais vus, et à chaque fois j’en ressors avec un regard neuf. C’est un excellent vulgarisateur!», s’enthousiasme-t-elle. Au fil de nos pas le long du Rhône, Thierry Basset égrène les informations et, petit à petit, l’histoire prend forme.

Une fois arrivé à l’embouchure du Rhône, le géologue lance: «Vous voyez les deux différences de bleu de l’eau? À votre avis, c’est dû à quoi?» L’eau du Rhône, venant des glaciers, est plus dense, car plus riche en sédiments, elle s’enfonce sous les eaux du lac.

À force, le Rhône a creusé un lit dans le Léman, un delta sous-lacustre. Celui-ci aurait reçu le choc sismique et résulté en un glissement de terrain, causant un mouvement brutal de l’eau. La pièce manquante vient enfin compléter ce puzzle géant.

Genève sous l’eau

Récapitulons: l’effondrement du pic de la Suche a généré une onde sismique qui s’est propagée jusqu’au Léman. Le choc s’est transmis au fond du lac et a mis en mouvement une énorme quantité de sédiments accumulés par le Rhône à son embouchure, provoquant un glissement de terrain sous-lacustre. Celui-ci déclenche une gigantesque vague qui touche Lausanne en 15 minutes et Genève en 70 minutes. Des simulations numériques de séisme ont confirmé ce scénario.

«C’est une histoire de dingue!», s’exclame le géologue genevois. Toutes les étapes complétées, le scénario est désormais complet. «Maintenant, il faut que toutes ces informations se sédimentent en différentes couches dans votre cerveau pour que ça puisse durcir et s’ancrer.»

Anticiper un futur tsunami

Arrivé à la fin de l’excursion, au bord de la plage du Bouveret, le géologue confirme la probabilité qu’un tsunami survienne à nouveau sur le Léman. Quand? Impossible de le savoir. Mais Thierry Basset relativise, la temporalité étant toute relative à l’échelle de la planète. «Un séisme de magnitude minimum 6 sur l’échelle de Richter et proche du lac pourrait éventuellement déclencher un nouveau tsunami.»

Préoccupé, il insiste que c’est aujourd’hui un million de personnes qui vivent sur les berges du Léman et que les dégâts seraient colossaux. Il suggère une plus grande information auprès du public pour appendre à bien réagir face aux tsunamis et d’éventuellement mettre en place un système d’alerte.

Si les vaguelettes étaient peu menaçantes au Bouveret, le public est parvenu à percer un pan du mystère des profondeurs du Léman.

Plus d’infos: www.geol.ch

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