Un gin «quatre saisons» exalte la nature des Alpes vaudoises

Anne-Sophie Fioretto se définit comme une passionnée. Il est vrai qu’on sent vite le feu intérieur qui couve au fil des explications, là où Gretel Ginier incarne plutôt la force tranquille du binôme. Deux tempéraments, mais un rêve commun: lancer un gin à base d’ingrédients locaux.
Ces deux amatrices le caressaient depuis longtemps, mais, comme souvent, il fallait savoir attendre le bon moment et la bonne personne. «Mon chien s’appelle Gin, mon van Imagine et mon chemin a désormais croisé celui d’une Ginier, sourit Anne-Sophie, 42 ans, française d’origine, valaisanne depuis 19 ans et habitante d’Anzère. Les planètes se sont bien alignées, on dirait!» Elles le sont: les premières bouteilles d’«IMA’Gin» sortent tout juste de la distillerie Morand à Martigny.
Avant de passer à la substance, on s’attarde une seconde sur la plaisanterie: une Ginier qui commercialise du gin, ce n’est pas un hasard, si? L’Ormonanche, syndique d’Ormont-Dessous de surcroît, écarquille les yeux: «Je n’avais jamais fait le rapprochement!» Comme quoi…

Des passions communes
Au moment de se rencontrer professionnellement fin 2023, les deux femmes sont loin de se douter de leurs affinités à venir. La Commune d’Ormont-Dessous et ses voisines se cherchent un ou une spécialiste pour les aider à définir les contours de leur stratégie touristique «quatre saisons», et voilà Anne-Sophie Fioretto, géographe et professeure à la HES-SO Valais, qui débarque sur les hauteurs du Chablais.
Les séances de travail s’enchaînent, sur le terrain de préférence. À force de balades dans les Alpes vaudoises et de pique-niques sous les sapins, l’idée germe chez ses deux amoureuses de nature et d’apéros festifs. «Au terme de ces séances, on se prenait toujours un moment pour décompresser, raconte Gretel Ginier. De fil en aiguille, on s’est rendu compte qu’on avait en commun de parfois préférer un verre de gin à un de vin blanc. Jusqu’au jour où on s’est dit: <Notre propre gin? Pourquoi pas?>»

«Raconter une histoire»
Si leur signature «Anne-So et Gretel» résonne comme un clin d’œil aux frères Grimm, c’est parce qu’elles veulent raconter une histoire à travers leur breuvage. En premier lieu, celle d’une région: les Alpes vaudoises. D’où la carte, les courbes de niveau et les coordonnées GPS gravées sur la bouteille (celles de l’UCI à Aigle en l’occurrence, où les deux se sont rencontrées).
Leur récit cherche aussi à prolonger l’«aventure humaine», les émotions partagées, notamment lors des cueillettes de bourgeons de sapin et de baies de genévrier. Leur premier gin est baptisé «La rencontre» et arbore un sigle symbolisant une embrassade.
Le premier, oui, car à l’instar de certains romanciers, Anne-Sophie Fioretto et Gretel Ginier ont d’ores et déjà annoncé une saga en quatre tomes, à raison d’un par année. Suivront «Le vertige», «L’émotion» et «L’essentiel». «Un voyage en quatre saisons en somme», image l’édile des Ormonts.

Recette de Pierre Crepaud
1’000 bouteilles du premier opus sont sorties des alambics en cuivre de la distillerie Morand. «Celle-ci en a d’ailleurs acheté quelques-unes, ce qui est un gage de qualité pour nous», ajoute Anne-Sophie Fioretto. Une qualité qui a son prix: 57 francs.
Pour la recette de leur gin alpin, les deux conceptrices ont fait appel au chef Pierre Crepaud (ancien chef du Mont-Blanc à Crans-Montana, 17/20 au Gault&Millau, une étoile au guide Michelin). Les bourgeons de sapin et le genévrier s’allient à la reine des prés, avec une touche de poivre de Sichuan produit par Sylvain Känel à Chavornay.
Le verdict (subjectif) du chef laisse bien augurer: «Une bonne finesse au nez, avec une touche florale, sans l’agressivité de l’alcool. En bouche, le résineux prend la tête. La texture est douce, il ne brûle pas, il accompagne. Un beau retour, presque boisé.» Gretel Ginier apprécie, d’autant, ajoute-t-elle, «que Pierre utilise notre gin dans certains de ses mets».
Reste à donner une visibilité à leur produit. Et cela commence ce week-end à Lyon, lors du Salon du gin, au Palais de la Bourse.

Plus d’infos: www.ima-gin.swiss