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Une popularité dont ils n’ont pas à rougir

En plus des pâtes, des pizzas, des filets de perches et des gambas proposés par Sandro et Bettina Piga, les habitants de Blonay auront apprécié leur chaleur humaine.   | R. Brousoz    

Blonay
Bettina et Sandro Piga s’apprêtent à remettre les clés de leur «Pomodoro Rosso». En 30 ans d’activité au cœur du village, le couple de restaurateurs s’est aussi fait une place dans le cœur de la population.

Il y a des restaurants que l’on quitte avec une simple formule de politesse. Et puis il y a ceux où l’aime faire durer le départ. On plaisante encore un peu avec le personnel, on échange avec les patrons, on leur demande comment vont leurs enfants. À Blonay, le Pomodoro est un de ceux-là. Et il l’est encore un peu plus depuis que Sandro et Bettina Piga, les emblématiques exploitants du lieu, ont annoncé qu’ils raccrochaient leurs tabliers.

«Ç’a été la belle aventure d’une vie», sourit le couple, qui nous reçoit dans le coin lounge près de l’entrée. Il est 14h ce jeudi. Le service de midi se termine, des grappes de clients gagnent peu à peu la sortie. Bon nombre s’arrêtent pour discuter avec les futurs anciens tenanciers. «Vous allez nous manquer, mais vous avez bien mérité de vous reposer», leur glisse une cliente en rigolant.

Après trois décennies d’activités au cœur du village, c’est peu dire que la paire de restaurateurs âgés de 62 ans fait partie de la vie locale. «On a vu grandir plusieurs générations, et avec le temps, beaucoup de clients sont devenus nos amis», souligne Sandro.

Les pâtes, un pari gagnant

Pour ces deux-là, l’aventure blonaysanne commence en 1995. Lui vient de Sardaigne, elle est originaire des Grisons. Après une formation dans l’hôtellerie, ils se rencontrent alors qu’ils travaillent tous deux au Mirador du Mont-Pèlerin. «Notre rêve était de gérer notre propre établissement.» C’est au Buffet de la Gare, à Blonay, que ce dessein se réalisera. «On savait qu’il devait être démoli pour laisser place à un nouveau quartier, mais on s’est dit que ce serait parfait pour une première expérience.»

Fraîchement installé dans le village, le couple décide de se faire connaître en misant sur… les pâtes. «À l’époque, les gens ne connaissaient quasiment que les spaghettis à la tomate, à la bolognaise et à la carbonara, se souvient Bettina. Nous avons eu l’idée d’organiser des dégustations de différentes sortes de pâtes, avec une large palette de sauces.»

Le succès est au rendez-vous. «Il s’agissait d’une formule à discrétion, raconte Sandro. Les pâtes étaient servies par petites portions. Il fallait finir l’assiette pour passer à la suivante.» Et le couple de se remémorer le record de quatorze assiettes avalées par un client. «C’était un jeune homme plutôt mince, s’étonne encore Bettina. Et il avait encore pris une coupe Danemark pour le dessert!»

Le «Al», ruse marketing secrète

En novembre 2008, l’heure est au déménagement. Le duo s’installe dans l’écrin qu’il occupe actuellement, en face de la Migros. «Il fallait trouver un nouveau nom. On aimait bien la couleur rouge. On a pensé à la tomate et on a tourné ça à l’italienne: ça a donné <pomodoro rosso>.»

Avant même l’existence du référencement sur Google, Bettina imagine un moyen de sortir du lot. «Nous avons ajouté un <Al> devant, afin que l’on figure dans les premiers noms du bottin téléphonique.» Ils ne s’en cachent pas: personne à Blonay n’a jamais prononcé «Al Pomodoro Rosso». «La plupart du temps, les gens disent <Le Pomo>. Certains nous appellent même encore <Le Buffet>!»

L’aventure durera encore 17 ans, jusqu’à ce que surgisse l’envie de passer la main. Pourquoi? La réflexion a été lancée après le Covid. «Avec l’âge de la retraite qui se profile gentiment, la fin du bail prévue en 2028 et le corps qui commence à fatiguer, on s’est dit qu’il fallait chercher un repreneur. Contre toute attente, nous l’avons trouvé assez rapidement.» Le Pomo, qui gardera son nom et son identité, sera placé dès janvier sous la bonne garde d’Ertan Figen et de son épouse Belgin, actuellement à la tête du Men’s Bar à La Tour-de-Peilz.

Compliquées, ces restrictions

Dans les souvenirs qu’ils oublieront volontiers, Sandro et Bettina rangent avant tout la pandémie. Mais aussi quelques «petites» révolutions sociétales: l’introduction du 0.5‰ au volant – «une catastrophe» – et l’interdiction de fumer dans les établissements, qui a fait «déserter» la clientèle. «Ce que l’on gardera en revanche, ce sont toutes ces belles années passées avec notre personnel, grâce à qui on en est là aujourd’hui. Et bien sûr, le lien avec les gens d’ici.»

Leurs derniers verres, ils les serviront vendredi soir, lors d’une soirée de remerciements. Et après? «Nous avons plein de projets en tête, des voyages notamment. Mais surtout, nous nous réjouissons de pouvoir prendre le temps de faire les choses.»